Eugène Martin, ancien instituteur et auteur d’une monographie de la commune, relève dans son ouvrage « Uxegney pendant la Révolution » que l’appellation actuelle « Bois-1’Abbé » résulte vraisemblablement du nom d’un ancien propriétaire, ainsi qu’il est consigné dans le cartulaire de Remiremont à la date du 18 mai 1604 :
« Lettres reversales reçues de Colin, notaire à Nancy, par lesquelles le sieur capitaine Jean Labbé, lieutenant de M. De Haraucourt, au gouvernement de Nancy, s’oblige et promet payer au terme de Saint-Martin, entre les mains du gruyer du Chapitre de Remiremont à Dompaire, un gros pour chaque jour de terre emblavée et ensemencée de 180 arpents d’une contrée de bois appelée communément La Rouveroye, ban d’Uxegney, entre les communes dudit Uxegney d’une part, et celle de Golbey, d’autre part et d’une faigne ou croulière contenant 18 arpents, à lui ascensée par le Chapitre ».
Bois Labbé devint ensuite Bois-1’Abbé, et cette dénomination s’étendit, à partir de 1776, à l’ensemble des terrains qui occupent la partie orientale de la commune, le long de la forêt de la Godelle.
C’est à cette époque que des familles s’établirent en ces lieux : le 25 août 1776 naquit Pierre, fils de Pierre Lavoine, bûcheron, dans les baraques de Bois-1’Abbé et le 3 septembre suivant, fut baptisé Claude Antoine, fils de Sébastien Grosjean, bûcheron, résidant en la forêt dite Le Bois-1’Abbé.
En 1791, pour rendre plus pratique et plus rationnelle l’exploitation de sa ferme, Laurent Grauguell fit édifier une construction rurale (l’actuelle ferme de Bois-1’Abbé) affectant la forme d’un quadrilatère avec cour intérieure.
Au-dessus de la porte d’entrée des appartements est fixée une cartouche et, dans un tympan, on voit, entrelacées une crosse, une épée et une bêche, attributs du clergé, de la noblesse et du Tiers-Etat. De part et d’autre et entre deux fleurons, une inscription renfermant un anachronisme dont la syntaxe et l’orthographe sont fantaisistes : » Dieu soit bény, j’ai été par nous M. Ruer, capitaine au régiment de Medescan et M. Laurent vaitairent du même régiment lanée de la raiunion des trois ordres 1791″.
Laurent Grauguell continua à habiter Epinal mais confia sa ferme à Nusbaum Jean-Michel et lui adjoignit comme domestique Plumm Gottlieb, déserteur et originaire de Silésie prussienne. Le propriétaire vint ensuite y résider puis, en 1797, la ferme fut occupée par Joseph Lamoise et son domestique Georges Visse.
En 1789, on recensait à Bois-1’Abbé, 2 maisons pour 17 habitants.
De par sa situation isolée, la ferme de Bois-1’Abbé devint aussi un refuge pour déserteurs c’est ainsi, qu’en janvier 1797 le commissaire du directoire exécutif de Domèvre écrivait aux agents municipaux :
« Je suis informé que la désertion des volontaires nationaux est à son comble dans le canton de Domèvre-sur-Avière. On m’a assuré qu’ils arrivent par bandes de cinq, de huit, de dix, à la ferme de Bois-l’Abbé, d’où ils sortent à la tombée de la nuit sans rencontrer aucun obstacle dans leur marche fugitive. Ils invoquent le défaut de paye, le dénuement absolu et la misère où ils sont laissés; ils surprennent la pitié ou s’assurent la complicité du fermier ou de ses domestiques qui leur procurent des aliments, quelquefois même des habits de manouvriers.
Je vous requiers formellement de faire, pendant quatre jours, à compter du 23 nivôse, à deux heures du soir, des recherches et perquisitions exactes à la ferme de Bois-1’Abbé, pour atteindre et arrêter les fuyards qui pourraient s’y être réfugiés. Vous serez assisté d’un chasseur à cheval et d’un nombre de gardes nationaux que j’invite le capitaine de la 3e compagnie à mettre à votre disposition.
En même temps, plusieurs gendarmes disséminés sur différents points aux abords de ladite ferme, pourront vous prêter main-forte, si besoin en est, ou arrêter ces misérables qui compromettent le succès des opérations militaires et le salut de l’Etat ».